J'ai deux mots à vous rire, lettres à Jacques Brel

Préface de l'ouvrage J'ai deux mots à vous rire, édité lors des journées Jacques Brel, Homme de l'année en 2008. Lettres, poèmes et mots librement adressés à Jacques Brel par "ses" amis, venus d'ici et d'ailleurs…


Avec élégance


S’il fallait tracer un profil des femmes et des hommes auteurs de cet ouvrage, référence pourrait être faite à “ceux” que Jacques Brel (auto)portraiture dans l’une de ses ultimes chansons, Avec élégance : assagis mais vigilants, discrets mais lucides, désabusés mais toujours réceptifs au moindre possible, désespérés mais avec espérance.
Ils ont beau les connaî tre pour les avoir entendues et chantées tant de fois, les paroles des chansons se bousculent obstinément sous leur plume qui s’étourdit dans une valse ininterrompue de titres, de prénoms, de dates… pour ne pas oublier.
En quelques mots ou en quelques pages, de cri en murmure, ils tracent à leur tour les traits d’un homme devenu au fil du temps leur compagnon de joies ou de peines, s’interrogent sur ses mystè res, posent des questions à jamais sans réponse.
Libres dans leur style et dans leur forme, les écrits se font poè mes vibrant d’admiration, citations essentielles, fulgurances surréalistes, secrets dévoilés, abrégés d’histoire, récits intimes, textes prêts à chanter, nouvelles intergalactiques, déclarations d’amour, interpellations lapidaires, messages à France.
Pudiques, précis, sans tricher, ils révè lent l’infini respect de leurs auteurs, pratiquant spontanément l’autocensure propre à éviter le mot importun. Compensation oblige, le phénomène d’appropriation du personnage hors du commun que fut Jacques Brel, inaccessible et si proche à la fois, atteint un paroxysme. S’il leur a tout donné, eux lui ont tout pris. Fascinés par sa force d’aimer et sa foi en l’homme, solidaires de ses combats et de ses souffrances, ils le remercient simplement d’avoir été, d’être devenu l’ami de leur solitude, le frè re qui leur donne le courage de continuer la route, le porteur de leurs rêves. Et pour mieux exprimer la démesure de leur fascination, au-delà du coeur, de la pensée, des mots du chanteur, ils prennent aussi ce corps qui s’offre, ces bras qui se tendent, ces mains qui s’ouvrent.
Certains petits chanceux furent les témoins directs de ces scè nes hallucinantes, certains croisè rent la route de l’artiste au hasard d’une brè ve rencontre. Tous parlent d’instants magiques, tandis que les autres s’en remettent à leur imaginaire ou regrettent de n’avoir pu l’aimer mieux ou plus tôt.
Ces orphelins, tout en tendresse et en émotion, récrivent et récrivent encore, comme pour mieux s’en convaincre, que leur grand Jacques ne les quittera jamais.

 

Marie-Jo Astic